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Télétravail: un nouvel équilibre à trouver pour les professionnels des RH

Selon les statistiques de l’OFS, c’est sans surprise que le télétravail est en hausse depuis quelques années, hausse accélérée par la crise liée à la COVID-19.
En parallèle, une enquête menée par la RTS intitulée « Pourquoi certaines entreprises font-elles marche arrière concernant le télétravail ? 09.08.2023 », démontre que les entreprises suisses sont de plus en plus nombreuses à souhaiter un retour au traditionnel « présentiel ».
Si les raisons de ces changements sont nombreuses, c’est autour de celle de la perte d’informations informelles que nous nous focaliserons ici.

Couloirs, cafétéria, espaces de pauses sont autant d’endroits où se multiplient les discussions oscillant de la vie privée à la vie professionnelle. C’est bien lors de ces échanges que se renforcent les liens, se développe l’entraide et se croisent les collaborateurs/trices de différents services. Combien d’informations a-t-on échangé suite à un « puisque je te croise, j’en profite pour te dire que… » ? Et quelles conséquences sont liées à la perte de ces échanges due à des lieux de travail différents ?

Il y a deux principaux axes pour lesquelles les RH doivent trouver des réponses en qualité d’experts des relations humaines, à savoir les conséquences relatives à la productivité et celles relatives au climat social et à la santé.
En effet, pour le premier axe, la diminution de la communication informelle engendre des retards dus à divers facteurs : l’envoi d’emails pour transmettre l’information qui implique une perte en temps pour l’expéditeur et de concentration pour le récepteur, l’oubli de la transmettre qui peut amener un dysfonctionnement dans les flux et la perte de logique transversale puisque chacun/e est isolé, entre autres. En outre, c’est la continuité des opérations qui est endommagée par la distance.

Pour ce qui est du deuxième axe, l’isolement dû au télétravail est un frein à la créativité, la transmission et le renforcement de la culture d’entreprise ce qui, par rebond, impacte le climat social étroitement lié au premier point. En effet, le sentiment d’appartenance est fragilisé par le télétravail, que cela soit l’appartenance à l’entreprise et/ou celle à l’équipe.
Une des autres conséquences observables dans les études menées est un impact sur la santé mentale des travailleurs/euses qui perdent en sociabilité. Rappelons ici que l’être humain a, depuis son existence, a toujours eu besoin « du groupe », de la collectivité car nous sommes des êtres sociaux. Nous sommes constitués de telle manière que les échanges avec « l’autre » nous sont nécessaires, voir vitaux. Par corrélation, ce point dessert la productivité puisqu’il y a perte de motivation et de sens dans son activité.

Au vu de ce qui précède, comme déjà évoqué, des réponses doivent être proposées par les RH qui sont les garants de la culture d’entreprise et du climat social, les spécialistes de la santé et les partenaires stratégiques de l’entreprise dans son ensemble. Alors que faire ? Interdire le télétravail à l’instar de la société « Zoom » ? Renoncer à la richesse de la communication informelle ? Ces deux solutions expriment des extrêmes, et les stratégies RH ne le sont que dans des cas très critiques ! Il est possible de mettre en place des mesures favorisant les échanges et le sentiment d’appartenance.

La mesure essentielle, par laquelle il est important de commencer, est la mise en place d’un règlement de télétravail. Celui-ci doit être porteur de limites, notamment quant à sa proportion. Il s’agit donc de définir le pourcentage maximum de télétravail dans une semaine, proportionnellement au taux d’activité afin de s’assurer de présences hebdomadaires et communes des équipes et des différents services. Ainsi, même réduits, les moments d’échanges autour d’un café par exemple, sont très probables.

Ensuite, il est pertinent d’impliquer les Managers, que cela soit dans la formation sur le Management hybride et sur la sensibilisation aux enjeux autour de ces moments informels. La ligne doit être consciente de l’importance des séances efficaces en présentiel et encourager les interactions à distance.
En sus, le service des Ressources Humaines, avec le soutien de la Direction, devrait développer un planning d’événements de toutes tailles afin que les collaborateurs/trices puissent se rencontrer de visu. Que cela soit des apéritifs pour fêter des réussites, des petits-déjeuners d’accueil, des journées au vert ou encore le traditionnel « souper de fin d’année », les possibilités sont nombreuses et la créativité pour multiplier les opportunités est la bienvenue.
Finalement, si les Managers doivent être impliqués, les collaborateurs/trices aussi. Ils connaissent leurs besoins et leurs attentes, il est donc important de s’enquérir de cela au travers, notamment, de sondages, d’ateliers transversaux (groupe projet) et d’outils tels qu’une boîte à idée.

En effet, le télétravail a également ses pendants positifs , comme par exemple répondre à une demande sociétale quant à la flexibilité et donc être un avantage à proposer pour attirer les hauts potentiels. Il permet aussi, selon l’environnement de travail, d’avoir une bulle où l’on peut se concentrer sur des activités demandant une précision que les bruits d’un open space ne permettent pas d’avoir.
Le télétravail est une mesure visant à réduire les trajets et s’inscrit dans une démarche durable et environnementale qui renforce l’image de l’entreprise. Pour toutes ces raisons entre autres, supprimer le télétravail ne semble pas être un impératif. Trouver le juste équilibre entre la performance/productivité, l’atteinte des objectifs et les attentes des collaborateurs apparaît être la piste la plus sûre et la plus cohérente afin de garantir optimisation et satisfaction.

Si tout cela a un coût, en tant qu’expert des Ressources Humaines, chacun/e saura démontrer que celui engendré par l’absentéisme, la démotivation et le roulement du personnel est bien plus élevé. Le tout est de bien poser les objectifs de départ afin de pouvoir amener des solutions mesurables pour la Direction, cohérentes et enrichissantes pour les collaborateurs/trices et donc bénéfiques dans leur ensemble.

Karine Leresche